23 mai 2019

IA en santé : où en sont les établissements de santé ?

Health & Tech Intelligence présente un panorama des projets en cours dans l'utilisation de l'intelligence artificielle par les établissements de santé.

H&TIntelligence présente chaque jour à l’occasion de la Paris HealthCareWeek qui se déroule du 21 au 23 mai 2019 à Paris 3 sessions sur l’IA et publie chaque jour un état des lieux de l’IA en santé.

Les établissements de santé se lancent dans l’IA dès qu’ils disposent de moyens et de données structurées

De nombreux hôpitaux français sont déjà investis dans une activité intégrant de l’intelligence artificielle. Les grands établissements répondent aux prérequis nécessaires : disposer de moyens financiers et humains et de bases de données conséquentes et structurées.

Ainsi, quasiment tous les CHU développent des activités d’intelligence artificielle : c’est le cas notamment de Toulouse, Bordeaux, Strasbourg, Dijon, Nantes, Nice …. On dénombre également quelques GHT ayant une certaine maturité dans la gestion des données (comme celui de Valenciennes), les grands groupes d’établissements privés (Elsan, Ramsay, Doctegestio), ainsi que par les établissements privés à but non lucratif, en particulier les centres de lutte contre le cancer tels que l’institut Gustave Roussy, l’Institut Curie, ou encore à travers leur fédération (Unicancer).

Des initiatives multiples sur le territoire, hétérogènes et peu structurées.

Ces initiatives peuvent être décomposées en deux démarches distinctes :

  • Codévelopper des algorithmes d’intelligence artificielle avec des partenaires (notamment des startups), en mettant à leur disposition des bases de données.
  • Acheter des solutions contenant de l’intelligence artificielle de manière intégrée, permettant à des plus petites structures ne disposant pas de données en quantité suffisante d’avoir recours à l’intelligence artificielle. La clinique mutualiste de Saint-Etienne a par exemple investi en janvier 2018 dans un chatbot (MemoQuest), commercialisé par la startup Calmedica, et fonctionnant avec de l’IA pour dialoguer avec les patients.
4 axes d’utilisation de l’IA identifiés : 

Les initiatives identifiées sont multiples et ont été classifiées selon quatre grandes thématiques d’utilisation de l’IA :

  • Améliorer l’efficience thérapeutique
  • Améliorer l’expérience patient,
  • Optimiser la performance hospitalière
  • Aider à la recherche clinique.

En premier lieu, l’IA est mise au service des professionnels de santé, notamment dans un but d’amélioration de l’efficience thérapeutique. L’utilisation la plus courante est l’aide au diagnostic, dans les domaines de l’imagerie (en radiologie, ophtalmologie, dermatologie), de la cardiologie et de la biologie. Un autre segment concerne l’aide au traitement, à la fois pour améliorer la précision du geste médical (notamment par les robots utilisés en chirurgie), et pour sécuriser les prescriptions (en anticipant les interactions médicamenteuses, en adaptant les doses utilisées en radiothérapie).

La recherche clinique est aussi bénéficiaire de l’IA, qui fournit une aide à la gestion des données de masse (aide à la structuration des bases de données par exemple), et permet d’identifier de nouveaux biomarqueurs (de diagnostic, de facteurs de risque …). Ainsi, à l’AP-HP, l’IA est notamment présente au sein des projets RHU.

L’optimisation de la performance hospitalière est un autre grand enjeu pour lequel l’IA est fortement mobilisée : aide au codage des actes (PMSI), gestion des flux (notamment l’anticipation des parcours patients, la gestion des flux aux urgences ou des activités du bloc opératoire), optimisation des ressources (gestion des lits et blocs, gestion des compétences, gestion financière …).

Enfin, l’IA est mise directement au service des patients, pour améliorer leur information et le dialogue avec les professionnels de santé, notamment à travers des chatbots médicaux ( Chatbot Memoquest ou le Chatbot de Ramsay) pouvant être utilisés tout le long du parcours patient et pour du suivi à distance.

Des thématiques surreprésentées : aide au diagnostic et aide au codage des actes médicaux

Parmi les thématiques privilégiées d’utilisation de l’IA par les établissements de santé, deux ressortent clairement, tant dans les initiatives identifiées que dans les entretiens réalisés : l’aide au diagnostic, notamment en radiologie (par exemple au GHT de Valenciennes), ainsi que l’aide au codage des actes médicaux (déjà mise en place notamment à l’AP-HP et chez Elsan).

Le GHT de Valenciennes, qui dispose d’une base de données conséquente et structurée, a conclu en 2018 un partenariat de 5 ans avec la PME Arterys pour mettre l’intelligence artificielle au service de la radiologie. Deux axes différents ont été définis : l’exploitation d’algorithmes déjà fonctionnels ainsi que le codéveloppement d’algorithmes à partir des bases de données du GHT. Interrogé par H&TI, M. Bernard CASTELLS, chef du service d’imagerie médicale et coordinateur du projet médical du GHT, affirme que « d’ici 2020, 60 % des besoins seront couverts en termes d’analyse d’image par l’IA  ». De plus, il considère que l’IA doit être un outil transversal, au service des différents enjeux auxquels font face les établissements de santé : « l’IA est un enjeu systémique, pas uniquement un enjeu en imagerie ».

L’aide au codage des actes médicaux est une autre utilisation majeure de l’IA, déjà mise en place dans plusieurs établissements, notamment à l’AP-HP et Elsan, avec des partenaires industriels (la startup Collective Thinking par exemple). Les résultats sont actuellement variables en fonction des POC.

Enfin, certaines utilisations de l’IA semblent émerger, comme c’est le cas pour la gestion des flux de patients, notamment aux urgences. Le CH de Lorient est ainsi en train de développer un outil qui doit permettre de prédire le parcours intra hospitalier des patients à partir de l’entrée aux urgences, afin d’améliorer les flux et de permettre une sortie la plus rapide possible.

Des défis multiples à relever

La multiplication des initiatives ne doit pas occulter les défis auxquels sont confrontés les hôpitaux voulant utiliser et codévelopper des outils d’IA :

  • la maitrise de la donnée indispensable, tant en disponibilité qu’en quantité, structuration et anonymisation.
  • les compétences nécessaires à l’exploitation de ces données, que ce soit en interne (par le développement de nouveaux métiers ou par l’évolution des métiers et formations existants) ou en externe (en ayant recours à des partenaires extérieurs de différents milieux : universitaire, recherche publique et privée, startups …). Enfin, un obstacle majeur réside dans la recherche de financements et dans l’évaluation des solutions (Proof of Concept, essais cliniques), les deux étant souvent liés.

La majorité du financement de ces démarches est actuellement assurée dans le cadre d’appels à projet et manifestations d’intérêts (au niveau régional, national, voire européen). Certains établissements débloquent des budgets propres comme cela a été fait au GHT de Valenciennes.

 

Des initiatives de pionniers mais un manque de structuration globale

La démarche d’utilisation et de développement d’outils d’intelligence artificielle est déjà largement engagée par les établissements de santé, notamment les plus grands qui disposent des prérequis nécessaires (moyens et bases de données). Ces prérequis sont beaucoup moins accessibles aux établissements de petite taille, ce qui explique les disparités actuelles dans les démarches identifiées. La maturité des établissements étant très hétérogène, des outils sont en cours de réflexion afin de leur permettre de s’auto-évaluer sur leurs capacités à s’investir dans l’IA.

Les initiatives actuellement répertoriées semblent majoritairement prendre place au niveau local, en s’organisant autour d’une équipe ou d’une personne en particulier.

 

Rédigé par Health & Tech Intelligence – Care Insight